· 

Visite au jardin des serres d'Auteuil

Texte et photographies : François

 

Récemment, nous avons découvert un nouvel endroit que ni Marjorie ni moi ne connaissions : le jardin des serres d'Auteuil. C'est un lieu qui vaut largement le détour, surtout pour celles et ceux qui, de passage à Paris, voudraient s'offrir une expédition botanique dans une contrée lointaine. Avec le parc de Bagatelle, le parc floral de Paris et l'arboretum de l'école de Breuil, il est l'un des quatre sites qui composent le jardin botanique de la ville de Paris. Pour vous y rendre, je vous conseille de prendre le métro, ligne 10, et de descendre à la station "porte d'Auteuil". L'accès au jardin peut se faire en traversant le square des poètes ou par l'entrée principale située sur l'avenue de la porte d'Auteuil (voir la carte). En prenant l'entrée principale, vous déboucherez en haut d'un grand escalier d'où vous aurez de suite une vue magnifique sur l'ensemble du site (dont le toit de verre du  Palmarium). Vous verrez : l'endroit est peu fréquenté, apaisant, les collections y sont riches et, pour ne rien gâcher, l'entrée est gratuite ! On visite ensemble ?

 

1. Les serres "du plateau Est"

 

Si vous arrivez par le grand escalier, les serres "du plateau Est" se trouveront sur votre gauche. Bien que le site ne soit pas gigantesque, je vous conseille de consulter ce plan avant de vous y rendre. Cela vous permettra de ne rien rater, ou de cibler une partie qui vous intéresserait davantage. Les serres "du plateau Est" font partie, avec le Palmarium et les serres "du plateau Ouest", des serres historiques du jardin. Toutes ont été érigées par l'architecte français Jean Camille Formigé à la fin du XIXème siècle et abritent aujourd'hui des collections du monde entier. Celles-ci sont classées tantôt par familles, tantôt par régions d'origine ou encore par thèmes. On y va ?

 

Entrée dans les serres "du plateau Est"

 

Les serres "du plateau Est" abritent tout d'abord une galerie consacrée à la famille des Aracées. Ces plantes sont caractérisées par une inflorescence tout à fait particulière que l'on appelle le spadice (protubérance formée d'une multitude de petites fleurs fixées sur un axe). Celui-ci est entouré par une feuille modifiée que l'on appelle la spathe. Cette dernière est souvent confondue avec un pétale car elle prend des couleurs variées. Sur le plan physiologique maintenant, certaines espèces de cette famille sont également douées d'une aptitude tout à fait singulière : lorsque leurs étamines arrivent à maturité et libèrent leur pollen, le spadice se met à chauffer favorisant ainsi l'émission de substances volatiles qui attirent les insectes pollinisateurs. Ainsi, tout est fait pour que les grains de pollen soit emportés (on parle dans ce cas d'une pollinisation entomogame). L'Arum est d'ailleurs bien connu pour l'odeur nauséabonde qu'il répand à maturité et que seule sa mouche pollinisatrice semble apprécier !

 

Les Aracées et leur remarquable inflorescence

 

Une autre galerie "du plateau Est" est consacrée à la famille des Cactées. Toutes les plantes de cette famille sont originaires d'Amérique. Pensez aux images des Westerns où l'on voit les cowboys à dos de cheval se déplacer au milieu de cactus en forme de cierges hauts de plusieurs mètres. Vous y êtes ? Et bien vous retrouverez ici, en partie, cette ambiance. Dans la galerie, toutes les formes sont présentes : en boule (Echinocactus), en cylindre (Cereus) ou encore en raquettes (Opuntia). Cette partie de la plante correspond à sa tige. Les feuilles, afin de limiter les pertes d'eau par transpiration, sont transformées en épines (ce qui offre au passage une belle protection contre les herbivores). La tige peut ainsi se gorger d'eau (d'où les dénominations de plantes grasses ou succulentes). Une autre particularité des plantes de cette famille est de fixer le CO2 principalement la nuit lorsque la température est plus basse (ce qui limite, là encore, les pertes d'eau par transpiration) : ce sont des plantes à CAM. On regarde quelques photos ?

 

 

Les Cactées d'Amérique

***

2. Le Palmarium

 

Poursuivons notre visite par le Palmarium. Celui-ci est sans conteste LA "colonne vertébrale" du jardin. En bout d'un parterre à la française, son dôme de verre domine tout ce qui l'entoure et semble avoir été construit sur mesure autour d'un gigantesque palmier des Canaries. Dès que l'on entre dans le Palmarium, on est de suite plongé dans l'ambiance chaude et humide d'une forêt tropicale. Au pied de plantes immenses, on est transporté dans un autre univers. Des cris d'oiseaux s'échappent d'une volière et participent au dépaysement. Parmi les espèces présentées, citons les palmiers, bananiers, arbres du voyageur, ficus... Le tout s'organise autour d'un bassin où barbotent de nombreuses carpes japonaises et qui participe au maintien de l'humidité de l'air. Si vous cherchez un peu de chaleur en hiver, vous êtes au bon endroit !

 

L'une des entrées dans le Palmarium

La jungle luxuriante du Palmarium

***

3. Les serres "du plateau Ouest"

 

Cap maintenant vers les serres "du plateau Ouest". Du point de vue de leur structure, elles sont l'exact miroir des serres "du plateau Est". En revanche, les collections présentées y sont tout à fait différentes.

 

Extérieur des serres "du plateau Ouest"

 

Parmi elles, on trouve une galerie consacrée aux fougères. Rappelons que ces végétaux, avec les mousses, furent les premiers à coloniser la terre ferme, durant l'ère primaire, il y a de cela environ 400 millions d'années. Pas étonnant alors que cette galerie ait une allure quelque peu préhistorique ! Sur le plan anatomique, les fougères ne possèdent pas de feuilles mais des frondes. Celles-ci poussent d'abord enroulées (= crosses) avant de s'épanouir en des formes variées. Parfois, à leur mort, les frondes abandonnent leurs bases dont l'accumulation finit par former une espèce de tronc appelé le stipe. C'est le cas notamment chez les fougères qualifiées d'arborescentes. A noter que si celles-ci sont encore présentes dans certaines de nos forêts tropicales, elles furent en revanche bien plus répandues durant l'époque géologique que l'on a appelée le Carbonifère. C'est la fossilisation de leurs stipes qui forma alors les gisements de charbon. Sur le plan de la reproduction, les fougères ne possèdent pas non plus de fleur (appareil reproducteur caractéristique des Angiospermes). Elles se reproduisent donc de manière végétative, asexuée, par des spores fabriquées dans des sporanges situés sous leurs frondes.

 

Les fougères : un monde préhistorique

 

Revenant du Canada, nous avons particulièrement apprécié une espèce de fougère ici présentée : Platycerium alcicorne. Celle-ci consiste en des frondes stériles, sèches et marrons, qui lui servent de crampons pour venir se fixer sur un support. Poussent ensuite d'autres frondes fertiles, bien vertes cette fois, dont la forme évoque celle... des bois d'un élan !

 

Une curiosité chez les fougères : Platycerium alcicorne

 

Autre galerie, autre région : le Sahel. Le Sahel désigne cette région d'Afrique qui s'étire d'Ouest en Est en une longue bande de terre étroite située juste en-dessous du Sahara. Du fait de sa proximité avec le désert, il y règne un climat chaud et sec, ce qui n'empêche pas la végétation d'y reprendre peu à peu ses droits. Ainsi, ces vastes plaines sont occupées par des graminées au milieu desquelles poussent, de ci de là, quelques arbres éparses dont des acacias. Ceux-ci jouent un rôle très important dans leur écosystème. D'abord, les animaux viennent y chercher un peu d'ombre, indispensable. Ensuite, les grands herbivores (gazelles, girafes, zèbres...) y voient une source de nourriture. Pas étonnant alors que l'acacia se soit doté, au cours de l'évolution, de stratégies de défense spectaculaires pour faire face à cette prédation. Parmi elles, on ne pourra pas manquer les fortes épines qui garnissent ses branches. Outre ces défenses mécaniques, les acacias sont également capables de fabriquer des tanins lorsqu'un prédateur vient brouter leurs feuilles. Ces molécules donnent alors aux feuilles un goût amer qui dissuade les animaux de les manger. Enfin, certaines espèces d'acacia vivent en symbiose avec des fourmis qu'elles hébergent dans de petites loges, appelées domaties, situées à la base de leurs épines. En échange de ce toit, les fourmis n'hésitent pas à défendre leur hôte en mordant ses éventuels agresseurs. Elle est loin l'image de la plante verte qui se laisserait faire ! 

 

L'acacia, un monde d'épines dans la steppe sub-saharienne

***

4. Les extérieurs

 

Enfin, ne quittez pas le jardin sans avoir fait un petit tour de ses espaces extérieurs. Ceux-ci sont variés et présentent encore de nombreuses plantes de tous les continents. Certains coins sont aménagés autour d'un thème, comme à l'angle Nord-Ouest où l'on trouve un joli petit jardin japonais.

 

Bambous au jardin japonais

***

 

Au final, le jardin des serres d'Auteuil est vraiment un lieu qui nous est apparu comme très agréable. Encore une fois, il est peu fréquenté, et c'est sans doute l'un de ses atouts principaux. On s'y sent dans un monde privilégié et au calme. D'ailleurs, sur deux visites que nous y avons faites, nous avons croisé chaque fois des modèles en séance photo. Preuve en est que le cadre est joli et que l'on peut y prendre son temps. L'autre point fort est sans doute qu'il s'agit d'un jardin public et que l'accès y est donc gratuit. Enfin, j'ai été surpris par la richesse des explications scientifiques que l'on peut y trouver, que ce soit sur des panneaux ou de grands livres. Ainsi, le lieu possède un réel intérêt pédagogique et muséographique pour qui voudra faire un peu plus qu'une simple balade. Seule ombre au tableau : la superficie occupée par le jardin n'est pas énorme, et on n'est jamais très loin des grands boulevards dont on entend la circulation. Il n'y a "que" dans les serres que vous trouverez le silence. Il faut dire que le jardin a été amputé d'une partie lors de la construction du boulevard périphérique et qu'il devrait à nouveau se réduire du fait du projet controversé d'agrandissement du stade Roland Garros. Souhaitons que ce beau lieu demeure !

 

Sources :

***

J'ai aimé

° Le calme (dans les serres)

° Le voyage sur tous les continents

° La richesse des collections

° Les nombreuses explications scientifiques

° L'entrée libre

J'ai un avis réservé

° L'état de la structure de certaines serres

Je n'ai pas aimé

° La faible surface du jardin et sa trop grande proximité avec le boulevard périphérique


Écrire commentaire

Commentaires: 0