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La Côte de Granite Rose, une histoire géologique

Chaos granitique à Ploumanac'h sur la Côte de granite rose

 

Durant le tour de France que j'ai effectué aux mois de juillet - août 2020, la Bretagne a sans doute été l'une de mes étapes préférées. Après y avoir découvert le très beau Cap Fréhel sur la Côte d’Émeraude, je me suis rendu sur la Côte de Granite Rose pour laquelle j'ai eu un véritable coup de cœur. Aaahhhh, le granite... enfin ! La Côte de Granite Rose c'est ce bout de littoral des Côtes-d'Armor qui s'étend sur dix kilomètres environ de Perros-Guirec, à l'Est, jusqu'à Trébeurden, à l'Ouest. Les paysages y sont superbes, caractérisés par des blocs de granite, aux formes étranges, empilés les uns sur les autres.

Dans cet article, je vous propose de découvrir cette région à travers deux balades. La première nous mènera de Ploumanac'h à Perros-Guirec. La seconde nous fera faire le tour de l'île Renote vers Trégastel. Ensuite, nous nous attarderons sur les phénomènes géologiques qui, sur des millions d'années, ont façonné ces paysages incroyables.

 

1. De Ploumanac'h à Perros-Guirec

 

Pour cette première balade, je vous propose de partir du petit port de Ploumanac'h, lequel, avec ses petites embarcations colorées, se révèle au passage tout à fait charmant. Faites-en le tour par la droite et dépassez le "Bistrot du Port". Le début du sentier se trouve à l'extrémité du quai. Notre objectif sera la plage de Trestraou, située à Perros-Guirec. Le chemin qui y mène ne présente aucune difficulté et est parfaitement tracé, puisqu'il emprunte le GR 34 (le fameux "sentier des douaniers"). Comptez environ 4 km pour atteindre le point d'arrivée (le double avec le retour) soit environ 2 à 3 h de marche. Cependant, les envies de pauses photos et de baignades seront nombreuses. Une bonne demi-journée peut donc être tout à fait nécessaire.

 

Port de Ploumanac'h

 

A peine partis, nous voilà déjà sur la plage de la Bastille, d'où l'on a une très jolie vue sur le château de Costaérès (une riche demeure du XIXème). Un peu plus loin, c'est la plage de Saint-Guirec qui nous attend (avec la possibilité d'y faire du paddle ou du kayak de mer). On notera également la présence de quelques beaux granites en boule. Je ne vous avais pas dit que les occasions de pauses allaient être nombreuses ?

 

Plage de Saint-Guirec sur la Côte de granite rose

Plage de Saint-Guirec

 

L'arrêt suivant sera l'occasion d'admirer le très beau phare de Mean Ruz ("roche rouge" en breton). Du haut de ses 15 m, et avec une portée lumineuse de 20 km, c'est lui qui sécurise l'accès au port de Ploumanac'h. Concernant son histoire, il faut savoir que le phare que l'on observe aujourd'hui n'est pas celui d'origine. En effet, un premier phare avait été construit ici en 1860 mais il fut détruit durant la seconde guerre mondiale. Un nouveau fut donc érigé en 1948. C'est lui que l'on observe aujourd'hui. Évidemment, il est en granite rose ! 

 

Phare de Men Ruz à Ploumanac'h sur la Côte de granite rose

Phare de Mean Ruz

 

Le reste de la randonnée est un orgasme géologique puisqu'il déroule des rochers tous plus spectaculaires les uns que les autres. Ceux-ci feront sans doute fonctionner votre imagination puisque, en y regardant bien, on peut y voir : une bouteille renversée, une tête de chien, une tête de sorcière, un lapin et beaucoup d'autres. A vous de chercher (en restant bien sur les sentiers officiels pour protéger les zones en re-végétalisation).

 

Les rochers entre le phare de Mean Ruz et la plage de Trestraou

 

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2. Le tour de l'île Renote jusqu'à Trégastel

 

Un autre itinéraire pour découvrir les incroyables rochers de la Côte de Granite Rose peut être de se rendre sur l'île Renote (qui est en fait une presqu'île). Possibilité de se garer près de l'aquarium marin de Trégastel ou bien sur l'un des deux parkings qui marquent l'arrivée sur la presqu''île. Au-delà, et c'est tant mieux, l'accès n'est possible qu'à pieds. Pour mieux profiter de la beauté des paysages, je vous conseille de faire cette balade plutôt à marée haute, en commençant par la droite (côte Est, face à la Baie de Sainte-Anne). Comptez environ 1 h pour faire le tour de l'île (durée très largement extensible si vous souhaitez vous baigner, patauger, escalader, photographier...). Dès les premières centaines de mètres, de magnifiques criques se dévoilent, face à la Baie de Sainte-Anne, avec des couleurs à rendre jalouses les Seychelles ! Non ?

 

Granite en boules sur l'île Renote, Côte de granite rose

Crique face à la Baie de Sainte-Anne

 

Un peu plus loin, un passage étroit entre des rochers gigantesques oblige à se tourner et à rentrer le ventre pour pouvoir passer de profil. Bon, ne vous inquiétez pas trop quand même : ça passe ! Les amateurs de grimpette pourront s'y faire plaisir. Au large, la vue sur le château de Costaérès et le phare de Mean Ruz est superbe. Puis, à la pointe Nord-Est de l'île, de découvrir un chaos rocheux impressionnant : le Castel Menguy. Des géants y auraient fait une bataille de boules de granite que l'on aurait pas obtenu un tel désordre ! Un rocher remarquable bien visible, même à marée haute, est la "Palette du Peintre", ainsi nommée en raison de sa forme plate percée d'un trou.

 

La "Palette du Peintre"

 

Il vous reste alors à revenir vers la base de la presqu'île en parcourant sa côte Ouest. Celle-ci vous fera profiter de l'immense plage de Toul Drez, avec, sur votre droite, une belle vue sur l'une des rares maisons de l'île Renote, au centre, un banc de sable qui émerge à marée basse et permet de rejoindre les rochers du "Gouffre", et, sur votre gauche, l'immanquable "Dé" avec sa forme cubique. N'hésitez pas alors à attendre la marée basse pour voir les paysages se métamorphoser et profiter au mieux de cet immense terrain de jeu ! 

 

Le "Dé", vu sous deux angles différents

Où l'on ne se lasse pas de patauger

 

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3. Comment ces rochers se sont-ils formés ?

 

Observons tout d'abord de plus près la roche caractéristique de la région : le fameux granite rose. Celui-ci est formé par l'assemblage de trois types de minéraux. Il y a tout d'abord le quartz, d'aspect gris vitreux, dont on dit souvent qu'il ressemble à du gros sel. Il y a ensuite les feldspaths plagioclases (blancs) et les feldspaths alcalins (représentés ici par le feldspath potassique : l'orthose). C'est l'orthose qui donne la couleur rose à la roche du fait de son abondance et de la taille importante de ses minéraux. Il y a enfin les micas représentés ici par le mica noir (la biotite) qui forme des paillettes noires brillantes. Comme dans tous les granites, la roche est entièrement cristallisée et les minéraux sont ici de grande taille (parfois centimétrique).

 

Ajoncs et bruyères au Cap Fréhel sur la Côte d'Emeraude

 

Sur la carte géologique à présent (d'après Michel BARRIERE, 1976), on peut voir que le granite de la Côte de Granite Rose forme en fait un massif ovoïde avec plusieurs auréoles concentriques. Au centre, on trouve les granites de l'île Grande avec leurs deux faciès (interne et externe), puis, vers la périphérie, d'autres granites jusqu'à celui de Ploumanac'h (le plus externe). Ce massif correspond à un pluton, d'origine magmatique, qui est remonté au sein d'un encaissant en plusieurs phases.

 

 

L'histoire débute il y a 300 millions d'années, durant une ère que les géologues appellent l'ère Primaire (ou Paléozoïque). A cette époque, le Massif Armoricain est une jeune chaîne de montagnes née de l'orogenèse hercynienne (de même que les Vosges, les Ardennes et le Massif Central). Dans la racine de cette chaîne de montagnes, du magma (dont l'origine fait l'objet de plusieurs hypothèses) cristallise lentement en profondeur pour former les différents granites évoqués ci-dessus. Mais alors, comment pouvons-nous marcher aujourd'hui sur ces roches si elles se sont formées à des kilomètres sous terre ? C'est tout simplement parce que le Massif Armoricain a ensuite subi l'érosion qui en a usé les sommets faisant apparaître la racine. C'est ce que les géologues appellent la pénéplanation (ou destruction d'une chaîne de montagnes qui tend inexorablement à s'aplanir).

 

 

Dès lors que le granite s'est retrouvé en surface, il a lui même commencé à subir les agents extérieurs (vent, gel, pluie, végétation...). S'agissant d'une roche naturellement parcourue par un réseau de fissures (appelées diaclases), lorsque l'eau est présente, c'est par celles-ci qu'elle s'introduit. Si elle gèle, son volume augmente, elle exerce alors une pression sur les parois adjacentes qu'elle fracture. Ceci peut également être provoqué par la pénétration des racines en profondeur. La roche est alors fragilisée mécaniquement : c'est ce qu'on appelle l'altération physique. L'eau peut aussi réagir au contact de certains minéraux qu'elle hydrolyse. C'est le cas des feldspaths et des micas qu'elle transforme en argiles. La roche perd alors encore plus en cohérence : c'est ce qu'on appelle l'altération chimique. Au final, les diaclases se remplissent peu à peu d'un mélange de particules solides plus ou moins grossières incluses dans une pâte argileuse : l'arène granitique. La dernière étape de cette histoire survient lorsque l'érosion, le plus souvent exercée par l'eau à nouveau, emporte l'arène granitique et purge les diaclases. Ne reste alors plus qu'un chaos de blocs aux bords arrondis. Et l'arène de se retrouver bien souvent à leur pied.

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Sylvainleduc (dimanche, 27 août 2023 22:08)

    Merci pour ces explications précises et le vocabulaire digeste.

  • #2

    François (Voyages et Sciences Naturelles) (lundi, 28 août 2023 08:43)

    @Sylvainleduc : merci ! J'essaye toujours de donner des explications accessibles au plus grand nombre. Ravi que ça vous plaise !